mercredi 15 avril 2020

COMICES COMIQUES


Dans ce blog satirique, les personnages sont sortis de l'imaginaire et de stricte invention : toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé et toute homonymie avec des noms propres ou des noms privés ne serait que pure coïncidence.







Image empruntée à 12_tommy.coronavirus.trains






Depuis deux mois que le déconfinement s'est amorcé, notre territoire résiste au Coronavirus qui a envahi tous les pays sans exception. En France, l'épidémie est désormais sous contrôle d'après les scientifiques : pas de "cluster" en vue ! Un "cluster" est un mot anglais (un de plus) qui signifie grappe ou groupe renfermant un foyer d'infection et avec l'État d'urgence sanitaire qui prend fin ce samedi 11 juillet, se termine le plafonnement du prix des masques et du gel hydroalcoolique (il faut dire que c'était une sacré mesure ...) ; bref, on retrouve enfin la liberté de voyager, de partir à l'aventure sauf pour un département du Grand Ouest (la Mayenne) qui est même en passe d'être reconfiné. 

Maintenant, c'est "le monde d'Après", à ce qu'il paraît : n'a-t-on pas entendu s'exprimer à tout bout de champ, chez les médias, ce sentiment malsain de vouloir tout réinventer. Mais ce "monde d'après" tant et tant fantasmé pendant le confinement ressemble étrangement au "monde d'avant" et même en pire : conflictuel et intolérant : des minorités veulent imposer leur loi : antiracistes, indigénistes traoristes, écolos radicaux (nous avons ici quelques spécimens) ; bref, médiocre. 

Enfin, les milliers de travailleurs de la santé ont participé à l'effort de guerre, applaudis chaque soir par la population et la crise est sans doute derrière nous, du moins, espérons-le. 

Le navire a tangué, le commandant de bord a navigué a vue tandis que ses moussaillons, sévèrement secoués par la houle ont été désavouées pour certains et ont disparu - après le deuxième tour électoral - du paysage politique gouvernemental.

Dans la commune, la nouvelle municipalité est installée et sa première action écologique - d'après la presse locale - fut celle d'adopter trois moutons noirs (il faut croire qu'il n'y en a, sans doute, pas encore assez dans le nouveau conseil). Ces trois ovins d'Ouessant broutent l'herbe de la Coulée Verte qu'un ancien Maire avait fait aménager en 2005 entre deux lotissements du Bourg sans se douter qu'il participait, déjà, à sa manière, à une activité éco-responsable.  
 

Trois mois plus tôt .... aux environs du 15 Avril 2020 : 




Le confinement entame son deuxième mois. Les après-midi s'écoulent dans une langueur monotone sous un soleil d'enfer qui nargue tous les cloués au sol. Le vélo et la rando sont bannis de la circulation et toute tentative d'évasion est vouée à l'échec. Pas âme qui vive dans un rayon de dix kilomètres. À midi et demi, à l'heure où les ménagères ont remballé la baguette de pain sur la place du village, les rues sombrent dans une léthargie inquiétante. Aucun paroissien n'a fréquenté l'église pendant ce week-end pascal : aujourd'hui, la foi est un plat qui se mange froid. Le patron du bistrot en face l'église ne sert plus à boire : il est vrai qu'avec un masque posé du nez au menton difficile d'écumer dans les estaminets.  Le canton somnole et repense à sa gloire passée quand les comices agricoles animaient les bourgs.

Moralité : cette saison va trainer en longueur et le pollen de voltiger dans les airs en provoquant des éternuements en rafale (attention de bien suivre les consignes de rester chez soi et surtout de bien éternuer dans notre coude ! Grâce à toutes ces recommandations, on est assurés d'avoir le meilleur anti-virus de la planète).

Pas de regroupement dans la commune, aucun risque, sauf le dimanche matin, à l'heure du Seigneur, il y a une procession devant la boulangerie car les acheteurs de baguette et croissants doivent faire la queue en attendant leur tour à un mètre de distance de leur voisin. La file s'étend, imperturbable et disciplinée jusque devant la boucherie qui est fermée, abandonnée par ses propriétaires. Les gens ont une mine patibulaire qui sied aux journées sépulcrales. 

Au début de cette période de quarantaine, on ne devait pas s'éloigner de son domicile. Or, si par lassitude il nous prenait l'envie de prendre la poudre d'escampette, il ne fallait pas s'éloigner de plus d'un kilomètre ... Un hurluberlu avait même posé une pancarte le long du canal à un kilomètre du bourg sur laquelle il était indiqué que la Mairie se trouvait à un kilomètre du panonceau (des fois que certains marcheurs n'auraient pas pris conscience de la mesure d'1 kilomètre) le canal chez nous n'est pas le canal Saint-Martin mais il est vrai qu'à la belle saison il est très fréquenté. 

Bref, le silence, la torpeur des après-midi sans fin nous gagnent ; alors, on se cale dans le canapé pour retrouver cette mollesse qui donne à nos siestes un léger tangage marin. 

De temps à autre, on émerge pour regarder les étapes du Tour de France datant d'une dizaine d'années diffusées sur la chaîne des sports à la télé. Mais les arrivées sont moroses, pas de podium, pas d'hôtesse, les couronnes de fleurs sont mortuaires. Et puis l'ennui est un puissant somnifère, les plats réchauffés étant moins passionnants à suivre qu'une transmission en direct même si on éprouve du plaisir à retrouver le joyeux babillage de Jean-Paul Ollivier et cette communion populaire des bords de route.   

Le soir, à l'heure de l'angélus, c'était un autre son de cloche : à la télé cette fois on dénombrait les trépassés. Après les joutes oratoires entre différents experts à l'heure de l'emballement médiatique ; depuis le début du confinement, nous avions droit au décompte macabre des victimes du coronavirus, chaque soir, égrené d'un ton monocorde par la bouche d’un officiel. C'était une manière de se polariser sur cette épidémie à l'exclusion de tout autre fléau (morts de la route, suicides, etc ...). Chaque malheur en son temps.

Bref, on assistait, sans moufter à une régression historique par un retour aux temps obscurs des châtiments populaires.

Heureusement, on a pris le temps de faire la causette entre voisins en respectant la distanciation, bien sûr de peur de se postillonner au visage. Et, foin de nostalgie ! Mais l'on se remémorait quand même les bons moments, les festivités d'antan, les kermesses du foot (et là, je ne parle pas des soirs de kermesse dont certains se souviennent encore car ces "cluster" là étaient plutôt délirants ...) les soirées d'été conviviales et aussi les comices. 

Le dernier comice agricole organisé par le village remonte à 1992. Pour la commune  choisie pour incarner cette manifestation, c'était un évènement décennal haut en couleurs. On pouvait y admirer les plus beaux spécimens de l’élevage local, veaux, vaches, cochons et couvées et déguster un choix de spécialités solides et liquides du meilleur aloi. La dimension politique du comice agricole fait partie de ce patrimoine disparu qui, hélas, ne reviendra plus, tout comme les discours amphigouriques et alambiqués des notables du canton pendant que d'autres faisaient escale à la buvette et que la chorale communale se produisait sur l'estrade improvisée après la prestation de l'amuseur local.

Chez nous, comme ailleurs, le comité des fêtes avait bien fait les choses et le présentateur de l'évènement - un personnage haut en couleurs - de s'empresser d'adresser un grand remerciement au bénévoles du comité ainsi qu'aux agriculteurs locaux venus ripailler au banquet installé sous un chapiteau et récupérer des forces avant de participer au concours des meilleurs travaux de labour ou des exercices de travailleurs de force.

Et puis, la bière et l'ambiance bonne enfant coulaient en synchronie et coulaient même tellement que la machine à débiter des demis, à bout de souffle, avait décidé d'écourter sa vie et d'inonder le bar avant que les éméchés ne l'inondent à leur tour.

Décidément, cette ambiance de kermesse manque aujourd'hui cruellement, à l'heure où la sociabilité a pris un sérieux coup de plomb dans l'aile depuis l'arrivée en trombe du Covid-19.













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