jeudi 7 juin 2012

IL ETAIT UNE FOIS, GARSSON


Dans ce blog satirique, les lieux et personnages sont sortis de l'imaginaire et de stricte invention :
Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé et toute homonymie avec des noms propres et des noms de lieux privés ne serait que pure coïncidence.







Le sol ingrat d'une terre cendrée faite de sables délavés avait enfanté dans les temps immémoriaux où s'était forgé cette vieille contrée, une forêt dense et immense couverte de pins maritimes, de quelques vieux châtaigniers et des chênes noueux.

Or, dans ces temps-là, la guerre de cent ans avait déjà fait ses ravages depuis une cinquantaine d'années mais nous n'étions pas encore parvenus à cette époque terrible où les soudards d'Outre-Manche avaient semé la terre et la désolation sur ces terres et incendié l'église dans le village voisin de GARSSON.

Or, c'est à cette époque qu'un Roi, animé de bonnes intentions, avait entrepris de traverser de bonne heure et de bonne humeur la vénérable forêt.

La messe étant dite, il se mit en route courageusement par un temps tropical inhabituel dans cette douce province. Armé jusqu'aux dents et suivi d'une imposante soldatesque, sur le coup de midi, il somnolait en chevauchant, dans la chaleur de l'été ignorant GARSSON mais longeant la Pris.

Saisit de frayeur alors qu'un individu sorti d'un buisson saisit la bride de son cheval, le Noble Roi réveillé et sorti de sa torpeur s'en prit à deux de ses écuyers lesquels, en deux coups de cuiller à pot, passèrent de vie à trépas.

VOILA UN ROI SURPRIS PRES DE GARSSON
A TEL POINT QU'IL EN PERDIT LA RAISON !

N'était-ce pas déjà un présage ?

Puis les soudards d'outre-Manche féroces et cruels semèrent la désolation partout sur cette terre par des tueries, des exactions et des pillages, le château situé de l'autre côté de la rivière fut gravement endommagé.

La guerre de cent ans achevée, la vie reprit son cours et chacun vaquât à sa besogne oubliant cette royale mésaventure et le temps passa...

La forêt se déchira, le feu la démantela, et au fil du temps, elle disparut dans le tourbillon de la civilisation.

Quatre siècles s'écoulèrent après cette guerre qui avait saigné la province, quatre siècles de grande confusion et de misère dans notre petit village quand débuta la construction d'un nouveau château entouré de douves mais loin de la Pris, il se contentait d'être simplement dans l'alignement de l'ancienne demeure seigneuriale dévastée par les anglais. 

Il a appartenu pendant quelques générations à une famille de la noblesse de robe jusqu'au jour où le dernier descendant mourut sans héritier. Le domaine passa ensuite à une autre famille de la petite bourgeoisie quand la Révolution Française sonna le glas de la domination de la noblesse dans notre pays. A Garsson, le seigneur quitta le château et le 11 juillet 1789, il est arrêté sur le chemin de l'Angleterre. Le curé, réfractaire, en fuite également, est aussitôt regretté par ses ouailles.

Mais après la Révolution, Garsson est rattaché au village voisin par les listes de district en 1790 sans consultation de ses habitants alors qu'il sont séparés par la Pris et qu'il faut un bac pour passer d'une commune à l'autre. Beaucoup d'incidents ont émaillé cette vie commune ! 

En l'an 1870, le 18 juillet, à onze heures du matin, a eu lieu en la maison commune de Garsson une réunion extraordinaire à la demande des habitants du village voisin au sujet d'un projet de distraction de cette section et d'érection de ladite section en commune indépendante. Le motif principal invoqué étant le passage dangereux présenté par le ruisseau que traverse cette commune et celui de la rivière principale en cas de crues.

Les conseillers de Garsson, majoritaires bien évidemment, rétorquent aussitôt que la Pris est une limite naturelle et que de temps immémorial, aucun accident n'est à déploré au passage du bac. Les conseillers de la commune voisine précisent toutefois qu'un gendarme est tombé dans la Pris lors d'une virée nocturne par bac mais aussitôt les autres de répondre : "Oui, mais c'était au cours d'une soirée bien arrosée !"


Voilà, le décor est planté. Les conseillers de Garsson ne manquent pas de faire remarquer qu'il y a une exagération de population de la commune voisine dans la demande de séparation.

Les habitants du village réclamant la séparation adressent maintes pétitions au préfet
et font remarquer entre-autres :

" Les habitants sont d'autant plus déterminés à demander la séparation que, jusqu'à ce jour, ils ont eu à supporter toutes les charges de la réunion sans en obtenir d'avantages..."

"Ce n'est pas assez de nous avoir fait supporter jusqu'à ce jour des impositions et des centimes additionnels pour contribuer à des dépenses qui n'ont jamais profité à notre section, on menace encore de faire voter par le conseil une nouvelle imposition destinée à couvrir les dépenses qu'il a plu à Monsieur le Maire de faire en dernier lieu pour la construction d'un presbytère à Garsson".

Et de conclure :

"La situation qui vient d'être exposée a amené et entretient entre les deux sections une irritation que seule la séparation peut calmer".

En effet, les réunions de conseil étaient fort agitées : certains anciens rapportent même qu'après s'être terminées dans le troquet situé en face la Mairie, elles s'achevaient à coups de pioche entre gens des deux secteurs, au pied de l'embarcadère du bac. 

Malgré l'exagération de population constatée par les conseillers majoritaires, les pétitionnaires faisaient remarquer que le nombre d'habitants dans leur petit bourg était déjà important. Aujourd'hui, le bourg est plus dynamique et la population est plus importante que celle de Garsson.

Car, heureusement pour ces habitants, près de dix ans presque jour pour jour après l'assemblée extraordinaire demandant la séparation et après maintes pétitions auprès de la Préfecture, les deux communes sont devenues indépendantes le 30 Juillet 1880. 

La rupture consommée, le divorce prononcé, chacun s'en retourna trimer sur ses propres terres et tout retomba dans l'oubli jusqu'en 1896 où, grâce à l'avènement du petit train, un ingénieur breton fit construire un pont métallique sur la Pris mettant fin au règne du bac.
La rivière n'était plus un obstacle à la communication entre les deux communes !

Cette transformation augurait le temps de la Belle Époque où le petit train amenait le dimanche une foule de promeneurs et de pêcheurs faisant la notoriété du village et les premiers chalets se construisirent le long de la Pris.

Hélas, ce temps joyeux fut de courte durée jusqu'à ce dimanche 2 Août 1914 où les cloches sonnèrent le tocsin, comme partout en France annonçant la mobilisation, la guerre, les souffrances pour toutes les familles. Ce conflit fut une hécatombe, rien que pour notre petit village, vingt et un jeunes gens ne sont pas revenus. Les rescapés avaient juré que c'était la der des der mais les vingt ans en 1919 et 1939 furent une désespérante illusion.

Avec les beaux jours, pendant cette brève accalmie, dans le cadre bucolique du moulin, il y avait un banc de sable naturel et l'on se croyait aux bains de mer. Il y avait même des cabines de plage...




il y avait même des cabines de plage ...


Lors de la dernière guerre, certains garssonais se sont illustrés : ils ont combattu dans l'ombre et après la guerre, ils sont toujours restés dans l'ombre, discrets sur le courage dont ils avaient fait preuve vivant désormais oubliés de la mémoire villageoise voire méprisés par certains qui - tant s’en faut - n'ont pas eu une vie irréprochable et cela m'a profondément dégoûté de la nature humaine.

Ainsi donc, d'autres se sont singularisés d'une autre façon, ce fut le lot de toute population dans tous les villages de France : il y a eu ceux qui ont lutté, ceux qui se sont résignés en attendant des jours meilleurs et les autres...   qui se sont rangés du côté de ceux qu'ils croyaient êtres les plus forts.

Garsson s'est toujours méfié des "étrangers" à la commune. Avant-guerre, il y avait eu les "estivants" qui avaient fait construire des chalets au bord de la Pris où ils venaient passer l'été et leur temps à la pêche, des parisiens pour la plupart. Or, s'ils venaient passer les vacances dans un "trou perdu" c'est déjà parce qu'ils l'appréciaient et surtout, ils ne gênaient personne. 

Il y avait surtout les voleurs de poules en roulotte. Cette catégorie d'individus a toujours - et de tout temps - apprécié le village et les bords de la Pris pour installer roulottes avec chevaux et plus tard caravanes au grand dam des gouvernants en place. La crainte qu'ils inspiraient se nourrissaient de préjugés mais néanmoins dès qu'ils apparaissaient sur le territoire communal, leur simple présence suffisait à déclencher un coup de téléphone chez le Maire afin qu'ils soient chassés. Ils ont surtout fait travailler l'imaginaire des gens de Garsson, le soir à la veillée, ces autochtones qui leur attribuaient nombre de méfaits qu'on aurait pu, après une enquête approfondie, finalement attribuer à d'autres. Quelques fois leur présence dans le village se terminait par l'intervention des gendarmes.

Bref, en ces heures sombres de l'occupation, une autre catégorie d'étrangers est apparue : les citadins qui se déplaçaient généralement à bicyclette, Garsson n'étant pas située très loin de la grande ville. Avec le besoin des uns et le trafic des autres, avec le rationnement d'un côté et l'appât du gain de l'autre, enfin, avec le système D conforté par une certaine revanche sociale, toute une économie parallèle s'est mise en place et Garsson n'échappa  pas à ce qu'on a appelé le "marché noir".
   

Suite voir article : Libération mouvementée à Garsson. 








 


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